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La maladie avait atteint un stade bien trop avancé, à présent. Elle n'avait pu se permettre des soins qui auraient pu la sauver. Depuis combien de temps la syphilis l'avait-elle atteinte, on ne pouvait le dire. Mais aujourd'hui, elle s'apprêtait à vivre le prix de sa vie. C'était les pensées d'Anastasia alors qu'elle regardait, sur le palier de la chambre, sa mère allongée sur son lit de mort, littéralement. Elle restait aussi droite qu'elle le pouvait, pour cette dernière. La mourante ouvrit un instant les yeux, son souffle était bruyant. Elle tourna la tête vers sa fille, vers la porte. Son regard, ce qu'il en restait, s'illumina, alors qu'elle relevait péniblement sa main vers elle, lui faisant signe de s'approcher.

 «Anya, ma chérie... approche... »

L'intéressée entrouvrit les lèvres, hésitante. C'est une main dans son dos qui la fait se décider, la poussant non sans l'ordonner. Finalement, elle s'approcha du lit, se triturant les doigts nerveusement. Dans la faible lumière de la chambre, on pouvait à présent voir cette enfant qui n'avait pas plus de treize ans, ses cheveux blonds bien coiffés, tombant dans son dos. Les filles l'avaient rendus aussi jolie que possible, usant de ce qu'elles avaient en poche pour lui acheter cette petite robe bleu au motif tartan, qu'elle ne porterait certainement plus jamais après ça. La main de sa mère s'écroula bien vite après ça, elle était incapable de la garder relever plus longtemps. La lèvre inférieure d'Ana tremblait, sans qu'elle ne puisse le contrôler. Sa mère tourna la tête vers sa table de chevet, guidant ensuite sa main vers cette dernière, péniblement. Tâtonnant un moment, ses doigts se posèrent sur un petit coffret blanc, péniblement une fois de plus. Sa main tomba néanmoins de nouveau dans le vide. Elle ferma un moment les yeux, respirant comme si elle reprenait son souffle.

 «Le coffret... prend, c'est... c'est à toi, maintenant.»

Même parler était devenu pénible. Anastasia s'approcha de la table de chevet, tirant le petit coffret blanc de sa mère vers elle. Elle l'ouvrit, regardant ce qu'il contenait. Quelques enveloppes contenant de vieux courriers, mais aussi quelques livres, toute la bien trop modeste fortune de sa mère, ainsi qu'un médaillon de la forme d'un cœur, que sa mère avait depuis presque toujours. Ana s'était toujours demandé ce qu'il pouvait renfermer. C'est ainsi qu'elle se saisit du bijou et l'ouvrit, voyant en son sein la photo d'un homme qu'elle n'avait jamais vu. Elle regarda sa mère, son regard exprimant sa question  avant qu'elle ne la pose, et que sa mère comprit avant qu'elle ne l'entende.
 

 «C'est... ton père. Dedans, sa photo.

-  Mon père... ?

- Oui... il vit à Londres, en... Angleterre. Là-bas, il prendra soin de toi... j'en suis... certaine...

- Non, мама... J-je veux pas....»

La pauvre enfant vint se saisir fébrilement du bras de sa mère, son visage se déformant en une grimasse larmoyante. C'était bien la première fois que sa mère abordait le sujet de cet homme, son père. Sa mère sentit son cœur se déchirer un peu plus aux larmes de sa fille.

 

«Anya... je suis en train de mourir, il ne me reste... Elle n'insista pas pour finir cette phrase, et enchaina. Trouve le moyen d'aller à Londres, survit... grâce à l'argent. Ne fais pas... comme moi. Je t'aime, Anya, je t'aime... si fort, mon bébé...

- Non, мама, ne meurs pas, reste avec moi !»

 

La mourante poussa un dernier soupire rauque alors que ses yeux se fermaient. Anastasia, elle, laissait éclater ses sanglots, secouant énergiquement la tête de droite à gauche. Elle en fit de même avec le bras de sa mère, sans réaction aucune.

 

« мама, reste avec moi, мама !»

 

Assistant la scène déchirante, la matriarche et ses filles restaient à la porte. C'est la première qui se décida à entrer dans la pièce, prenant la petite par les épaule et l'entrainant hors de cette chambre en la tirant. Ana se débattait énergiquement, ne voulant quitter le chevet de sa mère. Mais sans qu'elle ne puis rien y faire, elle s'éloignait du lit.

« Non, lâchez-moi ! мама ! Мамаааа !»

Ce dernier cri résonna comme une déchirure à travers les oreilles de qui l'entendait, tandis qu'un nuage passant devant le soleil chassa les derniers rayons de lumière de la chambre.

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